LE PATRIMOINE HISTORIQUE COMMUNAL

L'église paroissiale : 

   A l’origine, c’était un édifice roman de petite dimension qui était orienté, c'est-à-dire tourné de l'est à l'ouest, et servait de paroisse aux trois quartiers. Elle est celle que, sous la dénomination d'église de Bletterans, l’archevêque de Besançon, donna à l'abbaye de Baume en 1110, don confirmé par l'empereur Frédéric- Barberousse en 1157.

Ruinée par les guerres, elle fut interdite d’accès en 1699. Sa reconstruction fut conduite entre 1700 et 1730. L’édifice actuel, tourné du nord au sud, se compose d'un clocher en forme de tour carrée surmontée d'une galerie en pierre et d'une aiguille élancée, d'une nef, d'un chœur et de deux chapelles dédiées l'une à saint Isidore et l'autre à la Vierge, formant la croix latine.  

   Son portail (inscrit à l’inventaire de Monuments Historiques en 1971) est daté à son sommet par un chronogramme : « BENEFAC DOMINE BONIS ET RECTIS » dont les lettres à valeur numérique s’additionnent pour indiquer 1703. Le Saint Paul, pierre peinte du XVème, visible dans la niche, serait le seul élément rescapé de l’ancien édifice.

Parmi les objets, le retable principal en bois orné de faux-marbre et de dorure mérite l’attention. Les statues de Saint Paul et Saint François-Xavier l’encadrent. Le tableau central (conversion de Saint Paul) se retrouve à Bletterans. Le retable latéral gauche représente St Dominique et Ste Catherine de Sienne, celui de droite St Isidore.  Hubiard, de Lons le Saunier, les signe en 1809. La chaire sculptée date de 1730. L’ensemble des dix vitraux historiés, réalisés en 1865 par le Carmel du Mans, est consacré à la vie de Saint Paul.

   Les archives attestent que les habitants de Bletterans intentèrent de nombreux procès à ceux de Villevieux, jusqu’à la Révolution, pour se soustraire à la maternité de leur église paroissiale et pour se former un territoire propre.

Le chevet et son grand retable

La mairie-école

   A partir de 1830 ont commencé en France des campagnes d’équipement des communes rurales. Villevieux bénéficie de ce mouvement général, et les délibérations du Conseil Municipal de la large moitié du siècle signent la volonté de la création d’ouvrages pérennes tels que ponts de pierre, lavoirs, et bâtiments publics. De nombreuse maisons privées en pierre taillée ont été bâties à la même époque.

   C’est ainsi que la mairie-école est acquise par échange en 1851. Le bâtiment est un bel exemple d’architecture publique du milieu du XIXème siècle, fondée sur le style néoclassique en vogue. Ce vocabulaire, autant que la position du bâtiment dans le village, expriment le statut public du bâtiment, à la fois symbole de la vie communale et de la présence de L’État sur le territoire. Un médaillon en façade honore un généreux donateur : « à Bouchard la commune reconnaissante ».

   « La mairie-école est une belle maison... qui renferme des caves, le dépôt des pompes à incendie, une salle de bal, la mairie et le cabinet des archives, le logement de l'instituteur et la salle d'étude, fréquentée en hiver par 70 à 80 élèves, le logement de deux institutrices religieuses de l'ordre de la Sainte Famille et une salle d'étude, fréquentée en hiver par 70 élèves » écrit Rousset en 1854.

 

          En 2023, le nombre d’élèves est quasiment identique à celui du 2ème Empire.

 Les Chevances (domaines) :

  • Chevance de Montmartin : A l'entrée orientale de Villevieux, sur les bords de la Seillette, on remarque, au milieu d'un enclos, une belle maison que flanquent deux pavillons. C'était le manoir d'une chevance dite de Montmartin.
  •  Chevance du Perret : Elle consistait en cens sur plusieurs meix, en redevances sur la seigneurie de la grande communauté, en portions de dîmes, en champs épars et en droits d'usage dans les forêts. Ce fief appartint longtemps à la famille de Chissey. Louis de Chissey, président de Bourgogne en 1562, n'était connu ici que sous le nom de M. du Perret. La chevance s'étend au sud de l'église. L'avenue qui traverse le bois donne dans une avant-cour bordée par le bâtiment de ferme et communs avec pigeonnier. Le logis rectangulaire (18e siècle) comporte, aux angles, deux tours quadrangulaires de deux étages. Le rez-de-chaussée conserve le cellier voûté, la cuisine et la salle à manger. Aux étages se trouvent un salon et des chambres. Parc, verger et potager. Le corps de logis en totalité ; les façades et toitures de la ferme - communs ; le vivier ; les murs ; les portails sont inscrits à l’inventaire des Monuments Historiques par arrêté du 24 décembre 2008.
  • Chevance de l'Étoile : Elle consistait en une maison-forte, dans la propriété de plusieurs meix.  Les seigneurs de l'Étoile possédèrent ce fief jusqu'en 1592. Jean-Baptiste-Gaspard Roux de Rochelle, diplomate, historien et poète, en devint propriétaire en 1796 et réalisa de nombreux travaux d’embellissement. De nombreux responsables de la Résistance ont été accueillis dans cette demeure durant la 2ème guerre mondiale.

  

Le château du Perret
Plaque commémorative de la Chevance de l'Étoile

Les moulins sur la Seillette :

   La Seillette, bras sud de la Seille, ayant un débit régulier tout au long de l’année, a permis l’installation de plusieurs moulins sur le territoire de la commune, inventoriés par Rousset en 1853 :

   Celui « du haut » à quatre tournants, avec une scierie à une lame, figure aux comptes de la seigneurie de Bletterans au milieu du XV ème siècle. Le bâtiment actuel date du 4e quart du 19e siècle. Depuis sa cession par accensement en 1731, on connaît bien ses différents propriétaires, et ses aménagements successifs, jusqu’à la fin de son activité en 1978.

   Il  est inscrit à l’inventaire des Monuments Historiques depuis 2021. Éléments protégés : le moulin y compris ses installations mécaniques et les machines (la turbine, l’ensemble des engrenages et organes de transmission, le moteur, le mécanisme du monte-sac, le trieur, le mouilleur, les meules et beffroi, les broyeurs à cylindres, le boisseau à grain, les boisseaux à godets, les tuyaux pneumatiques, les plansichters), ainsi que le canal d’amenée, le déversoir, le canal de fuite et le silo.

  • Le moulin du bas (moulin du Bai ou moulin Carmantrand)   à trois tournants et une huilerie est établi en 1779 par Jean-Claude Noir, déjà propriétaire de celui du haut. Sa construction entraîne deux décennies de conflit avec la commune du fait des inondations. S’ensuivent de nombreux aménagements. Fin d’activité en 1964. 
  • Le moulin du Pont-Boudot à quatre tournants et d’abord un battoir à blé construit par Jacques Martin en 1737. En 1868 il est décrit comme « bâtiment enjambant avec battoir rive droite, le reste de l’autre côté » Il y a 2 turbines. Des aménagements sont réalisés par les propriétaires successifs. Marcel Mazué cesse son exploitation en 1980 .
  • Le moulin des Aiguis : Vérin et Vivant Joly, meuniers à Seillenard, ont l’autorisation de construire par un accensement (concession) du 29 novembre 1736 (consultable aux Archives Départementales) sur le bras sud de la Seille dit Seillette, un moulin à trois tournants et une huilerie aux limites de Villevieux et Bletterans. Le moulin cesse son activité en 1950. A noter une production d’électricité domestique.
  • Si le moulin du loup ou des Dragons  (construit par Pierre Joly en 1779) a disparu suite à un incendie en 1931, les bâtiments qui abritaient les autres ont été restaurés par leurs propriétaires, et conservent une place importante dans le patrimoine ancien de la commune.
Le planchister (blutoir plan)  en état de fonctionner.

  

La Pierre des Morts:

A la jonction entre la rue de Baurepaire et la celle dite du Champ du Fourg, on peut voir une large pierre plate reposant sur deux pierres levées à usage de banc. Selon une tradition qu’aucun écrit ne vient confirmer, cette pierre aurait été utilisée pour déposer les morts du hameau éloigné de Fontainebrux, avant leur prise en charge par le desservant de la paroisse.

En réalité, cette pratique semble fréquente un peu partout en France, jusqu’à la fin du XIX ème siècle, et l’usage des pierres des morts, ailleurs nommées pierres d’attente, ou encore reposoirs, se trouve souvent documentée, en particulier en Auvergne, dans le Forez et l’Allier mais aussi dans les régions de l’Ouest, comme dans les Alpes françaises ou suisses.

Emile Guillaumin (la Vie d’un Simple) nous conte qu’à l’occasion du décès de sa grand-mère, dans un hameau du Bourbonnais, on déposa le cercueil à l’entrée du bourg sur deux chaises en attendant l’arrivée du curé, qui vint accueillir la défunte pour l’accompagner jusqu’à l’église.

En Auvergne, les familles habitant dans les jasseries devaient souvent descendre leurs morts sur le dos jusqu'au village le plus proche afin que ceux-ci soient enterrés chrétiennement. Les prêtres n'étant pas toujours présents, il était prévu de grandes pierres carrées, sortes d'autels, sur lesquelles les porteurs déposaient le mort.

A Valmorel, en Savoie, c'est là que les cercueils des défunts éloignés du chef-lieu étaient déposés. Le prêtre venait accueillir le corps et réciter des prières.

Citons encore Charles-Ferdinand Ramuz,: "Là, au bord du chemin, il y a la pierre des morts. C'est une grande dalle posée à plat qui a justement la longueur d'un homme et que la nature semble avoir mise à cette place tout exprès. Le cercueil est lourd..., et il faut bien qu'on le ramène à sa paroisse. Les porteurs n'en peuvent plus. Alors la coutume veut qu'à cette place ils se reposent, se déchargent de leur fardeau."

La plupart de ces témoignages d'un culte des morts aujourd'hui disparu ont été détruits. Ils ont souvent été utilisés en remploi, pour servir de remblai pour des routes par exemple. La pierre des morts de Villevieux aura été heureusement bien conservée.

Pour ceux que le sujet intéressera :

Marcel Baudouin, « Les pierres d'attente des morts en France et en particulier les pierres des morts de l'Ile-d'Yeu (V.) », Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris

  • J. Gélis & J.-J. Immel. « De la maison mortuaire au cimetière : « cercueil du pauvre », « pierre d’attente » et « porte des morts » », Bulletin de la Société historique de l’Essonne 2020

  • J. Prudhomme « Pierres des morts et pierres de criée », Mémoires de la Société des Sciences et Lettres de Loir-et-Cher 2003